
Traduction: Guy Côte
Le sirop d’érable coulait bien avant qu’on établisse des exploitations acéricoles géantes, qu’on crée un office de commercialisation du sirop d’érable et que de gigantesques surplus dans des entrepôts soient tentants pour les voleurs.
Les Indiens Abénakis qui étaient établis ici ont d’abord appris à fabriquer une substance semblable au sirop d’érable en entaillant les érables à la fin de l’hiver et au début du printemps. Pour les Abénakis, l’érable produisait un édulcorant naturel bien avant l’existence du sucre.

Jusqu’au XXe siècle, les premiers agriculteurs profitaient de la saison du sirop d’érable pour gagner l’argent nécessaire à l’achat de semences pour le printemps. On commençait par le déblayage des arbres tombés dans l’érablière pour ensuite les tailler en longueurs utilisables pour l’évaporateur. Bien avant qu’il y ait des tubulures et une technologie sophistiquée d’osmose inversée, un trou était foré dans l’érable à sucre avec une vrille de 7/8 pouce à angle léger et un chalumeau était enfoncé. Selon sa circonférence, il pouvait y en avoir plusieurs sur un arbre. Le chalumeau était conçu pour qu’un seau puisse s’y accrocher, et il y avait un couvercle sur le seau pour éviter les débris comme des morceaux d’écorce. Le fermier circulait avec un traîneau tiré par des chevaux, vidait les seaux et ramenait l’eau d’érable à la cabane à sucre. Les tracteurs s’enlisaient dans la neige. Il faut environ 40 gallons d’eau d’érable pour faire un gallon de sirop d’érable. L’arbre moyen ne produit qu’un litre, soit environ un quart de gallon. C’était un travail difficile. Le feu devait être constamment entretenu, la température et la consistance du liquide testées afin d’obtenir du sirop d’érable au moment précis.
À cette époque, tout l’équipement: l’évaporateur, les pannes et les robinets pour obtenir le produit final étaient fabriqués localement, dans de petites exploitations à Dunham et à Waterloo.
Même il y a trente ans, de nombreux agriculteurs locaux produisaient du sirop à l’ancienne, entaillant de plusieurs centaines à quelques milliers d’arbres. Maintenant, on trouve d’immenses érablières avec des dizaines de milliers d’entailles où l’eau d’érable est collectée par tubulure et l’eau est extraite avant de bouillir par ce qu’on appelle l’osmose inversée. Trop compliqué!
De nombreux petits producteurs ont quitté le monde acéricole. Les nouvelles technologies et la paperasse administrative les ont vaincus. Il reste quand même des âmes courageuses. Le Québec, bien sûr, demeure l’OPEP du monde acéricole, avec 72% de la production totale. C’est une entreprise de plusieurs milliards de dollars. Le sirop a toujours le même goût, mais tout le romantisme associé à la cabane à sucre pour regarder patiemment la vapeur et l’eau bouillir pour se transformer en sirop d’érable s’est évaporé.
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